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Rupture du contrat

Loi Marché du travail : la présomption de démission en cas d’abandon de poste est validée

Députés et sénateurs sont parvenus à un compromis sur le projet de loi Marché du travail lors de la commission mixte paritaire (CMP) du 9 novembre 2022. Le texte élaboré en commun entérine la présomption de démission en cas d’abandon de poste par le salarié. Le projet de loi, qui sera définitivement voté par l'Assemblée puis le Sénat les 15 et 17 novembre, doit encore passer l’éventuelle étape du Conseil constitutionnel avant d’être publié au Journal officiel.

Une présomption de démission pour limiter les situations d’abandon de poste

L’abandon de poste désigne le fait, pour un salarié, de quitter son poste de travail sans autorisation, mais aussi, de ne plus se rendre au travail sans justifier de son absence. Dans la pratique, il peut recouvrir des réalités très diverses, depuis celle du salarié empêché de justifier d’une absence pour des raisons légitimes, à celui qui « souhaite » se faire licencier.

L’abandon de poste peut ainsi intervenir lorsqu’un salarié entend quitter son emploi, sans démissionner, le cas échéant après s’être vu refuser une rupture conventionnelle.

Cette situation peut causer des problèmes d’organisation dans les entreprises, en particulier les plus petites, et conduire l’employeur à engager une procédure de licenciement.

Pour limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste, la loi Marché du travail prévoit d'instituer une présomption de démission en cas d’abandon de poste (projet de loi, art. 1 bis A).

À noter : l’abandon de poste suivi d’un licenciement (avec le cas échéant transaction) peut, dans certains cas, être utilisé comme substitut à la rupture conventionnelle. La politique des employeurs face aux demandes de rupture conventionnelle varie en effet selon les entreprises. Et par ailleurs, l’indemnité de rupture conventionnelle est soumise au forfait social de 20 % sur sa partie exonérée de cotisations de sécurité sociale... un « coût » que certains employeurs préfèrent éviter ou limiter.

Démission présumée à l’issue d’une procédure de mise en demeure de l’employeur

Selon le texte élaboré par la CMP, le salarié sera présumé avoir démissionné lorsqu'il abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après mise en demeure de son employeur, adressée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

La mise en demeure doit demander au salarié de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par l’employeur, qui ne pourra être inférieur à un minimum qui sera fixé par décret. À l’expiration de ce délai, le salarié sera présumé avoir démissionné s’il ne reprend pas son poste.

Une difficulté pourra se poser aux employeurs s’ils se retrouvent face à un salarié faisant le « yo-yo » (abandon de poste, reprise après mise en demeure, puis à nouveau absence injustifiée, etc.).

Dans tous les cas, à notre sens, ce nouveau texte n’empêcherait pas, en l'état, un employeur confronté à un abandon de poste de rester sur un terrain plus classique, en sanctionnant ou licenciant le salarié concerné pour motif disciplinaire, le cas échéant pour faute grave. Certes, le salarié licencié aura droit au chômage s'il répond aux conditions d'indemnisation, mais ce n’est pas un coût directement supporté par l’employeur.

Le salarié peut contester en justice la présomption de démission

La présomption de démission en cas d’abandon de poste n’est qu’une présomption « simple » que le salarié peut renverser en agissant en justice.

Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption.

L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées dans un délai d’1 mois. En pratique, le salarié devra établir que son absence n’est pas un abandon volontaire de poste et qu’elle est justifiée.

Cela a été rappelé lors des débats parlementaires, certaines situations d’absence légitimes ne peuvent pas être qualifiées d’abandon de poste. C’est notamment le cas de l’exercice du droit de retrait, du droit de grève ou encore du fait pour un salarié de quitter son poste sans autorisation en raison de son état de santé.

À noter : si le salarié parvient à renverser la présomption de démission, le juge devrait en toute logique requalifier la rupture du contrat en licenciement, lequel faute de motif, serait sans cause réelle et sérieuse, ce qui est un risque pour l’employeur.

En cas de démission établie, pas de droit aux allocations chômage pour le salarié

Le salarié qui abandonne son poste pour quitter son emploi et qui est licencié pour ce motif peut bénéficier du droit à l’indemnisation chômage, alors qu’un salarié qui démissionne en est privé (sauf à ressortir d’un cas de démission légitime prévue par le régime d’assurance chômage).

La loi a également entendu corriger cette « inégalité de traitement » avec la création de la présomption de démission en cas d’abandon de poste.

Si le salarié est reconnu démissionnaire, parce qu’il n’a pas repris son poste à l’issue du délai fixé par l’employeur et qu’il n’agit pas en justice, ou parce qu’il échoue à renverser la présomption de démission, il n’aura pas droit aux allocations chômage.

Projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, texte de la CMP, 9 novembre 2022 ; https://www.senat.fr/leg/pjl22-112.html